Aujourd’hui, on s’attaque au sujet du freinage d’urgence à moto, avec un gros trail qui plus est, et en off-road. La technique reste similaire au freinage simple, seuls l’intensité et l’amplitude des mouvements changent. Maîtriser ce type de freinage vous permet de gagner en confiance à votre guidon. Vous pourrez ainsi vous arrêter à n’importe quelle vitesse et sur n’importe quel terrain, très rapidement, sans glisser ou tomber.
Position, opération des commandes, timing : on passe en revue l’essentiel à savoir pour maîtriser son freinage d’urgence à moto. Et restez jusqu’au bout ! A la fin de l’article, Max vous livre un essai vidéo pour voir quelle option (avec ou sans ABS, frein arrière ou frein avant) permet de réduire la distance de freinage.
Peut-on se préparer à un freinage d’urgence à moto ?
En théorie, non ! Par définition, un freinage d’urgence, à moto ou en voiture, ne se prédit pas. Il s’agit d’une situation à laquelle on ne s’est pas préparée. Freiner de manière efficace dans ce genre de situation, c’est freiner de manière instinctive et automatique. Pour que ce mouvement devienne instinctif et automatique, il n’y a pas de secret : il faut s’entraîner ! Histoire de rendre le mouvement, la position et le timing des commandes, le plus naturel possible.
3 éléments essentiels au freinage d’urgence à moto : position, commandes, timing
1. La position
Si vous nous suivez un peu, vous savez que la position est toujours le premier paramètre que l’on aime travailler. En effet, quelle que soit la technique, la position permet au pilote d’opérer les commandes avec précision et de maintenir un bon équilibre. Ici, on part du principe que vous êtes en position debout sur les repose-pieds en off road. Si vous ne maîtrisez pas cette position, on vous conseille l’article rouler debout à moto ! Lorsqu’un obstacle se présente, et que vous devez réaliser un freinage d’urgence, la première chose à faire est d’ajuster votre position.
Quelle position adopter ?
- Le bas du corps : le bassin bascule vers l’arrière, les genoux viennent en flexion, le pied droit avance pour accèder à la pédale de frein, vos jambes verrouillent le châssis
- Le buste : en complément du verrouillage du châssis, au niveau des genoux, la ceinture abdominale est elle aussi verouillée (pour empêcher l’énergie cinétique de vous propulser vers l’avant)
- Le reste du corps : comme souvent, l’idée est de rester le plus relax possible !
A noter : on sait bien qu’il y aura une tension, et c’est normal. L’idée pourtant est de rester le plus léger possible sur le guidon avec son haut de corps pour mieux contrôler les mouvements de la moto. Il est aussi recommandé de garder une légère flexion dans les coudes, afin d’amortir les chocs à cet endroit en cas d’obstacle… Et non dans votre nuque qui risque d’être impactée si vos coudes sont en hypertension.
- Relevez la tête et regardez loin devant ; si vous ne levez pas la tête, vous risquez de fixer le sol… Ce qui n’est pas bon pour votre équilibre. Regarder loin permet à votre système vestibulaire, l’oreille interne, à votre système visuel, les yeux, et à votre système proprioceptif, la perception du corps dans l’espace, d’agir en synergie et de maintenir ainsi votre équilibre.
A quoi sert cette position ?
- Cette position vous permet de lutter contre l’énergie cinétique qui aura tendance à vous propulser vers l’avant
- Elle vous permet aussi d’asseoir la moto, c’est-à-dire d’appliquer un poids sur la roue arrière pour optimiser sa traction et ne pas glisser
Bien sûr ici, on a décortiqué les différentes parties de votre corps pendant un freinage d’urgence. Mais tous ces mouvements doivent être réalisés de façon presque simultanée et avant le freinage. En effet, si vous ne corrigez pas votre position avant le freinage, vous risquez d’être déséquilibré et de tomber.
En cas de chute, découvrez notre article sur les chutes à moto et comment vous relever !
Exercices pour acquérir la position
Le meilleur moyen d’automatiser cette position est de vous entraîner. Vous pouvez commencer sur la béquille centrale et passer d’une position debout à une position de freinage. Il est bon de vous entraîner jusqu’à ce que le mouvement soit fluide.
Une fois que cette transition, de debout à la position de freinage, est ancrée dans votre cerveau, vous pouvez passer au même exercice… en roulant ! Très lentement pour commencer, en appliquant un léger freinage. Puis augmentez la vitesse, au fur et à mesure de votre avancée dans l’exercice, en augmentant aussi l’intensité du freinage. Plus vous allez vite, plus vous devrez freiner fort, et plus vous solliciterez votre ceinture abdominale et verrouillerez le châssis entre vos genoux.
Vous pouvez aussi faire le même exercice, avec la main droite sur le guidon et la main gauche dans le dos, en freinant légèrement. Cet exercice vous permettra de voir que vous n’avez pas besoin de vos appuis sur le guidon, pour passer d’une position debout à une position de freinage. Moins vous aurez besoin de vos appuis, moins vous aurez d’impact sur le guidon, et mieux votre position sera maîtrisée ! Ceinture abdominale gainée et genoux verouillés autour du châssis.
2. Les commandes
Quand on voit ce double disque à l’avant avec ses doubles pistons et ce simple disque à l’arrière avec son simple piston : à votre avis, quel frein est le plus efficace pour s’arrêter en off road ? L’avant, bien sûr ! Et la règle du 70 devant 30 derrière, vu à la moto-école, est aussi applicable en tout-terrain. Ici, on doit simplement ajuster l’intensité avec laquelle on opère les commandes.
Le juste dosage du frein à l’avant
En tout-terrain, la traction étant diminuée, toute la complexité réside dans le dosage du frein. On doit freiner suffisamment fort pour s’arrêter avant l’obstacle, sans freiner trop fort, pour éviter de bloquer la roue. Il faut trouver alors le juste milieu, quand on est à la limite de bloquer la roue et qu’on a encore assez de grip pour freiner.
L’idée est aussi d’entraîner son cerveau pour relâcher instinctivement la pédale de frein arrière et le levier de frein avant dès que la roue se bloque pour récupérer de la traction. Si la roue se bloque, il faut relâcher le frein avant petit à petit, et non pas d’un coup sec. Ceci permettra de décharger les suspensions progressivement et de maintenir les roues collées au sol. Si vous relâchez trop rapidement, vos suspensions vont se décharger soudainement et le châssis sera instable, rendant la moto moins contrôlable. Pensez au freinage dégressif : fort d’un coup, puis on relâche progressivement.
Ici, on utilise un à deux doigts sur le levier de frein. Personnellement, je n’utilise que l’index lorsqu’il y a très peu d’adhérence, et j’utilise deux doigts si le terrain est plus compact.
Quelques exercices au frein avant
Pour justement prendre conscience de ce relâchement progressif du frein, vous pouvez faire un test sur vos propres doigts. Entourez deux doigts de la main gauche avec deux doigts de la main droite, comme si vous teniez le levier. Serrez fort d’un coup puis relâchez graduellement comme vous le feriez sur votre levier. C’est d’ailleurs cette sensation, de relâchement progressif, que vous devez essayer de bien ancrer dans votre cerveau… Pour le transcrire ensuite sur votre levier.
Le dosage du frein à l’arrière
C’est relativement la même chose pour le frein arrière : fort d’un coup puis on relâche progressivement. Cela dit, le frein arrière a davantage une action de stabilisation du châssis que de freinage réel. Aussi, il faut dire qu’il est moins évident de sentir la pression sur la pédale de frein arrière. Non seulement parce que, au niveau du pied, on a moins de terminaison nerveuse que sur la main mais aussi parce qu’on a une méga botte en plastique qui ne nous permet pas vraiment de ressentir la pédale ! Finalement, c’est plus le feedback que va nous donner la moto, la sensation de la roue arrière qui se bloque, qui va nous permettre de relever ou pas le pied de la pédale.
L’exercice pour tester ce frein arrière
Pour cet exercice, je vous conseille d’enlever l’ABS et de n’utiliser que le frein arrière. L’objectif est de limiter le dérapage, et d’éviter que la roue se bloque. Apprendre à relâcher la pression sur la pédale de frein avec le pied et ainsi, évaluer la pression nécessaire sur la pédale pour bloquer la roue… En fonction de la vitesse et du terrain. A mon sens, il y a peu de gens qui exploitent vraiment le potentiel du frein arrière ou qui savent le gérer avec finesse. Pourtant, cette maîtrise permet d’influencer la géométrie de la moto dans plein de situations différentes, et cela fait de nous de meilleurs pilotes.
Autre exercice, à ne réaliser que si vous le sentez vraiment, dont l’objectif est de bloquer la roue avant, sans ABS, pour un court laps de temps. Cela vous permettra de vous rendre compte que bloquer la roue avant… n’a rien de mortel. Et que l’intensité avec laquelle vous opérez le levier avant, pour bloquer la roue avant, dépendra toujours de la vitesse et du terrain sur lequel vous vous trouvez. C’est aussi un bon exercice pour apprendre à relâcher instinctivement le levier dès que la roue se bloque. Il vous permet simplement de devenir votre propre ABS. Pas besoin d’aller vite, soufflez un coup et passez à l’action !
3. Le timing
Ici, on parle bien sûr du timing d’opération des commandes : à quel moment et dans quel ordre vous allez procéder. En théorie, pour un freinage idéal, on débraye à la fin du freinage pour profiter de l’action du frein moteur. Mais là, vu qu’on est sur un freinage d’urgence à moto, avec blocage potentiel de la roue arrière, on débraye avant de commencer à freiner pour éviter de caler, et de se retrouver moteur éteint dans une situation dangereuse.
Après l’embrayage, on passe à la pédale de frein arrière pour optimiser notre traction sur la roue arrière ainsi que la stabilité de la moto. En basculant notre bassin vers l’arrière, on charge notre amortisseur qui va ainsi plaquer la roue arrière au sol. En freinant d’abord du frein arrière, on vient en quelque sorte verrouiller et accentuer cette action de l’amortisseur sur la roue arrière pour conserver un contact entre le sol et notre pneu.
Pour récapituler : je bascule ma position, je débraye, je freine de l’arrière puis je freine de l’avant. Bien sûr, l’objectif est ici d’enchaîner rapidement sans avoir à y penser… Comme dit à plusieurs reprises, pour que tout ceci soit instinctif le mieux reste de s’entraîner.
Dernier conseil pour la route
Tout l’intérêt de ces exercices est de vous apprendre à gérer le freinage d’urgence, sans ABS, avec un frein ou les deux, indépendamment, à des vitesses différentes. Mettez-vous à l’aise, en confiance, pas besoin d’aller trop vite. Essayez de vous familiariser avec le blocage des roues, et petit à petit, vous gagnerez en confiance et en conscience.
8 techniques de freinage d’urgence, avec et sans ABS
Pour terminer ce thème du freinage d’urgence à moto, on voulait faire un comparatif des différentes techniques ou plutôt, options de freinage possibles. C’est-à-dire avec et sans ABS, avec frein avant et/ou frein arrière. 8 combinaisons possibles au total que Max à tester à une vitesse de 50 km/h.
Quelle option de freinage d’urgence est la plus efficace ?
Suite à ces essais, plusieurs conclusions peuvent être tirées. D’abord, le frein arrière seul n’est pas efficace pour arrêter un gros trail de +200 kg à 50 km/h sur un terrain qui ne tracte pas. Si on compare avec et sans ABS, au niveau du frein arrière, la distance de freinage tend à être plus longue avec ABS… Quand le frein avant rentre en jeu, cela dit, la distance de freinage diminue grandement.
Il est intéressant de noter aussi qu’il n’y a pas de grosse différence entre frein avant, et frein avant + arrière. Ceci vient du fait que, sur certains modèles de moto, le frein avant est couplé partiellement au frein arrière. Sur la Super Ténéré par exemple, quand j’active mon frein avant, mon frein arrière est automatiquement activé… Même sans action de ma part sur la pédale ! Certains modèles de moto l’ont aussi dans l’autre sens ; on appelle ça le couplage intégral. C’est le cas par exemple des dernières 1300 GS. Quand vous commencez à freiner simplement du frein arrière, le frein avant s’actionne. Cela apporte un surplus de sécurité, et le feeling est bon quand vous freinez de l’arrière.
Aussi, malgré que les freins avant et arrière soient couplés, si j’actionne simplement le levier de frein avant, mon châssis est moins stable. L’avant part dans tous les sens. Par contre, quand j’actionne moi-même mécaniquement la pédale de frein arrière en premier puis je freine de l’avant, la distance de freinage n’est pas diminuée mais le feeling au pilotage est meilleur. Conclusion, il est important de travailler le timing, et d’apprendre à actionner en premier la pédale de frein arrière.
Chaque situation est unique. En fonction du terrain, de votre humeur, de votre fatigue, de votre état de santé… Beaucoup d’éléments peuvent influencer la distance de freinage. Une seule chose est sûre, c’est que si la position est bonne, le freinage sera meilleur. Et ce, quelle que soit la vitesse et quel que soit le terrain.
Aussi, ces conclusions sont valables pour moi, ma moto et mon système d’ABS, sur ce terrain. Sur un terrain différent, peut-être que les résultats auraient été différents, et avec une autre moto aussi… L’idéal reste d’essayer, de tester, de vous entraîner. Pas besoin d’aller vite, 20 voire 30 km/h pour commencer c’est suffisant. Histoire d’intégrer la technique et de comprendre le fonctionnement de notre bécane. Alors plus d’excuses, en piste !
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